
Le cas créatine : mythes et réalité
Le docteur Richard Kreider est un expert sur la créatine. Directeur adjoint du département "Human Mouvement Science and Education", il a écrit et collaboré à d’innombrables publications et recherches, notamment dans le domaine de l’évaluation des effets de la créatine monohydrate. Voici un de ses articles écrit en Mai 2000 qui reste encore d'actualité 10 ans après.
Avec toutes les recherches et les articles qui ont été fait les cinq dernières années sur la créatine, on devrait penser que les gens ont une bonne connaissance de ce qui est admis ou pas sur la créatine. Pourtant, je suis souvent surpris par ce que j’entends quand des athlètes, coachs et même scientifiques parlent de supplémentation de créatine.
Cet article répondra aux questions les plus courantes sur cette substance et vous permettra de séparer les faits de la fiction.
Qu’est-ce que la créatine ?

La créatine est un acide aminé qu’on trouve naturellement dans les muscles (95%) et également en petite quantité dans le cerveau et les testicules. La plupart de la créatine présente dans les muscles est stockée sous forme de créatine phosphate (66%) et le reste sous forme libre (33%). Au total, on trouve environ 120 grammes de créatine dans les muscles pour une personne de gabarit moyen. Cependant, le corps peut stocker plus de 160 grammes sous certaines conditions.
Où est-ce que mon corps trouve de la créatine ?
Le corps dégrade environ 1 à 2% de la créatine stockée par jour (environ 2 grammes) et récupère cette quantité de deux façons. Environ la moitié de vos besoins en créatine peuvent provenir de votre alimentation, en mangeant des aliments qui en contiennent.
Par exemple, il y a environ 2 grammes de créatine dans 450 grammes de viande ou de saumon cru. La quantité manquante de créatine est synthétisée à partir des acides aminés glycine, arginine et méthionine. Cependant, certaines personnes souffrent de déficience de la synthèse de créatine et sont alors dépendantes de l’apport alimentaire pour maintenir les niveaux musculaires.
Est-ce que la prise de créatine augmente la quantité dans le muscle ?
De nombreuses études montrent que la prise de créatine sous forme de supplément augmente les quantités de créatine et phosphocreatine de 10 à 40%. En terme simple, pensez à la quantité normale de créatine stockée dans les muscles (environ 120 grammes) comme une réserve pleine au ¾ ; la prise sous forme de supplément permet d’augmenter ce stock jusqu’à 150 à 160g (25 à 30%).
Quels sont les bénéfices théoriques de la créatine ?
Augmenter la disponibilité en créatine et phosphocreatine dans les muscles peut avoir une influence sur l’entrainement de plusieurs façons. Premièrement, augmenter la disponibilité de phosphocreatine dans les muscles peut aider à maintenir l’énergie disponible durant des exercices intenses comme le sprint ou la musculation intense.
Deuxièmement, une telle augmentation peut accélérer la récupération entre les sprints ou les séries d’exercice intense. Théoriquement, cela peut apporter des gains de force, masse musculaire et performance.
Est-ce que la prise de créatine affecte la performance ?
Au moment ou est écrit cet article, il y a eu plus de 250 études faites sur la supplémentation de créatine. Parmi elles, environ 180 ont montré un effet ergogénique. La majorité (environ 65%) montre que la prise de créatine améliore significativement la performance. Cela veut dire que si vous prenez de la créatine comme décrit dans les études, vous expérimenterez une amélioration de vos performances dans 65% des cas. Le gain moyen de performance va de 10 à 15%. La prise de créatine sur le court terme semble bien fonctionner avec les exercices de haute intensité comme le sprint ou la musculation. La prise sur le long terme augmente la qualité de l’entrainement et permet des gains de force et performance de 5 à 15%.

Presque toutes les études indiquent que la prise de créatine augmente la masse musculaire de 1 à 2 kilos la première semaine de charge. Dans les études sur l’entrainement, les sujets prenant de la créatine ont gagné deux fois plus de masse musculaire et/ou de masse non grasse (0,9 à 1,8kg) que les sujets prenant le placebo sur une période d’entrainement de 4 à 12 semaines.
Dans notre étude, nous avons vu des athlètes gagner de 2,3 à 7kg de masse musculaire en 4 à 8 semaines d’entrainement. Aucune étude n’a montré que la créatine décroit la performance. Certaines n’ont pas montré de résultats significatifs sur la performance ; ce manque de résultat statistique semble provenir d’échantillons trop petits, de grandes différences au niveau des tests de performance, et/ou de problèmes de méthodologie.
Dans l’ensemble, aucun autre supplément nutritionnel ergogénique (glucides inclus) n’a montré de tels effets ergogéniques.
Quel est le meilleur dosage pour la créatine
De mon point de vu, le meilleur moyen d’augmenter la quantité de créatine stockée dans les muscles est de prendre 0,3 gramme par kilo de poids du corps par jour de créatine monohydrate (environ 15 à 30 grammes selon le gabarit), réparti sur 3 à 4 doses et ce sur une durée de 5 à 7 jours. Après, on peut prendre 5 grammes par jour pour maintenir les niveaux élevés.
Dois-je faire une phase de charge ou pas ?
La recherche a montré que le moyen le plus rapide d’augmenter le stockage de créatine dans les muscles est de suivre le protocole de charge décrit ci-dessus. La plupart de la créatine est absorbée pendant les 2 ou 3 premiers jours de la phase de charge. Une étude suggère que prendre de la créatine à des doses plus faibles (3 grammes sur 28 jours) augmente pareillement le stockage de créatine, mais on ne sait pas si oui ou non ce protocole à dose faible augmente la performance.
J’ai connaissance d’une seule étude qui montre que des doses inférieures (5 grammes par jour pendant 10 jours) apportent des gains plus importants en force et masse musculaire avec l’entrainement. De nombreuses autres études n’ont pas montré d’effets sur la performance avec des doses inférieures (2 à 3 grammes par jour) prises sur le long terme. C’est pourquoi, je recommande de suivre la phase de charge et d’utiliser des doses plus faibles lors de la phase de maintenance. Vous noterez que je recommande de prendre 5 grammes par jour de créatine pendant la phase de maintenance plutôt que 2 ou 3 grammes (0,03 grammes/kg/jour) comme recommandé par certain. La raison est que dans nos recherches, beaucoup des athlètes que nous suivions, notamment les plus massifs, retenaient 3 à 4 de créatine par jour après la phase de charge. C’est pourquoi utiliser une dose de maintenance de 5 grammes peut être nécessaire pour maintenir le stockage de créatine chez certains individus.
Dois-je prendre la créatine seule ou avec d’autres nutriments ?
Il y a eu un grand intérêt à trouver des moyens d’augmenter la
rétention de créatine par les muscles. De nombreuses formules
commerciales ont été mise au point dans le but d’améliorer le
transport et l’assimilation intestinale et musculaire de la
créatine. Est-ce que d’autres nutriments affectent la concentration
musculaire et/ou la performance ? Avant de répondre, il est
important de connaître les bases de la créatine.
Premièrement, les recherches depuis le début du 20éme siècle ont
montré que la créatine monohydrate ingérée est absorbée intacte Ã
travers l’intestin vers le flux sanguin.
La créatine est alors soit absorbée par le muscle ou éliminée dans
l’urine. Cela veut dire que la créatine n’est pas dégradée dans
l’estomac, et l’absorption intestinale n’est pas un facteur limitant
l’absorption musculaire. En fait, une des façons de déterminer le
stockage musculaire de créatine est de soustraire la créatine
éliminée dans l’urine à celle ingérée. Si une quantité significative
de créatine n’était pas digérée ou dégradée en créatinine (son seul
sous produit) dans l’estomac, ces mesures ne seraient pas valides.
Deuxièmement, l’absorption de la
créatine par le muscle dépend du
sodium et est modulé par l’insuline. Cela veut dire qu’ingérer de la
créatine avec de grandes quantités de glucose (50 à 100 grammes) ou
de glucides/protéines (50 à 80 grammes de glucides avec 30 à 50g de
protéines), connu pour augmenter la quantité d’insuline dans le
sang, peut être un moyen efficace d’augmenter la rétention de
créatine.
De nombreuses études récentes comme celle du Dr. Paul Greenhaff de
l’Université de Nottingham en Angleterre le confirment. En
conséquence, je recommande que les athlètes prennent la créatine
avec des boissons riches en glucides ou avec des suppléments mixant
protéines et glucides, pour augmenter l’insuline et la rétention de
créatine.
Un bémol cependant, beaucoup de suppléments vendus dans le commerce
affirment augmenter la rétention de créatine mais ne contiennent que
20 à 40 grammes de glucides. Je n’ai pas connaissance d’études qui
montrent que cette quantité de glucides ou d’autres suppléments
(taurine, sodium, potassium, etc) peut augmenter la rétention de
créatine.
Quel est le meilleur moment pour prendre la créatine ?
Les recherches indiquent que les exercices intenses augmentent la sécrétion des hormones anaboliques. De plus, ingérer des glucides (1,5g/kg) et des protéines (0,5g/kg) après un entrainement intense peut accélérer la reconstitution du glycogène tout en stimulant la synthèse protéique.
Le mécanisme semble être lié à l’augmentation de l’insuline provenant de la prise simultanée de glucides et de protéines. Comme les niveaux d’insuline augmentent la rétention de créatine et que la créatine semble favoriser la synthèse protéique, je recommande qu’une fois que l’athlète à effectué sa charge de créatine, il la prenne après l’entrainement avec un mixe de glucides et de protéines.
Quelle est la meilleure forme de créatine ?
Presque toutes les études sur la créatine ont été faites sur la
créatine monohydrate en poudre. Cependant, comme la créatine est
devenu un supplément populaire, on trouve de nombreuses autres
formes (barres énergétiques avec créatine, créatine liquide, gomme,
effervescente, etc).
La plupart d’entre elles se disent supérieures à la créatine
traditionnelle. Cependant, il n’y a pas de données qui montrent que
ces formes sont mieux retenues par les muscles. Peu d’études ont
comparé la valeur ergogénique de ces suppléments par rapport à la
créatine monohydrate. Ces études ont montré qu’effectivement ces
formes peuvent améliorer la performance, mais elles ne semblent pas
mieux marcher que la créatine monohydrate.
Le seul avantage que je vois à utiliser ces différentes formes est du point de vu pratique, pour des questions de préférence et/ou de goût. En revanche, elles sont aussi plus chères que la créatine monohydrate traditionnelle. Il n’y a absolument aucune preuve comme quoi vous pouvez prendre de plus faibles doses (créatine liquide ou effervescente) et obtenir les mêmes bénéfices que la créatine monohydrate.
Doit-on cycler la prise de créatine ?
Il n’y a pas de preuves que la prise de créatine sous forme de cycles est plus ou moins efficace que les phases de charge et de maintenance. Cependant, le plus grand bénéfice de la créatine est d’améliorer l’entrainement. Si un athlète souhaite cycler sa prise de créatine, je suggère de la prendre durant les phases d’entrainement intense et pas entre.
Est-ce que la caféine ou l’acidité ont un effet sur la créatine ?
Les athlètes demandent souvent si la créatine est dégradée quand elle est mélangée avec des boissons acides et si elle est compatible avec la caféine. Deux études indiquent qu’ingérer de la créatine avec de grandes quantités de caféine peut agir négativement sur certains de ses effets sur la performance. Pour cette raison, certains experts ne recommandent pas de prendre la créatine avec la caféine. Cependant, dans beaucoup d’études initiales, on mélangeait la créatine dans du café ou du thé pour la dissoudre. Ces études ont montré que la caféine n’affectait pas l’absorption de la créatine. Je pense que cette problématique avec la caféine est surévaluée.
On a aussi entendu que mélanger la créatine avec des boissons acides
comme le jus d’orange pouvait la dégrader en créatinine. Encore, le
pH du café (4,5), du jus de raisin (3) et du jus d’orange (2,8) est
plus faible que celui des sécrétions digestives (environ 1) et de
l’acide présent dans l’estomac (1,5). Il est prouvé que la créatine
ne se dégrade pas lors du processus de digestion. De plus, un
certain nombre d’études recommandaient de mélanger la créatine avec
du jus de fruit et ont quand même montré des effets sur la
performance.
Ainsi, mélanger la créatine avec du jus de fruit ne la dégrade
probablement pas.
Les hommes et les femmes réagissent différemment à la créatine ?
Un peu près un tiers des études sur la créatine ont été faites sur
les femmes ou mélangeaient les hommes et les femmes.
Plusieurs
études sur des athlètes féminines ont montré des effets ergogéniques
limités. Cela a amené les chercheurs à s’interroger si les femmes
réagissent différemment à la créatine par rapport aux hommes.
Cependant, un certain nombre d’études sur le court et long terme ont
montré des effets sur la performance chez les femmes. Dans nos
recherches, les femmes ont enregistré des bénéfices ergogéniques
avec une supplémentation sur le court terme. En revanche, les gains
de masse n’ont pas été aussi rapides qu’avec les hommes.
Le poids gagné est de la rétention d’eau ?
Comme dit précédemment, la créatine permet de gagner du poids
corporel et/ou de la masse non grasse.
Certains ont suggéré que du
fait que les gains soient rapides, il doit s’agir de rétention de
fluides. Bien qu’il soit généralement admit que le gain de poids
initial est du à de la rétention d’eau, un certain nombre de
recherches récentes ne vont pas dans ce sens.
La plupart des études
qui s’intéressent aux effets de la créatine sur la rétention d’eau
et la composition corporelle montrent que bien que la quantité d’eau
du corps augmente, l’augmentation est proportionnelle au poids
gagné. Comme le muscle est constitué à 80% d’eau, si quelqu’un
gagner 5 kilos de muscle, 4 kilos du poids gagné sera de l’eau et le
pourcentage global d’eau du corps ne changera pas.
De nombreuses études montrent que la créatine prise sur le long terme augmente la masse noble sans augmenter le pourcentage d’eau du corps. De plus, de nombreuses études ont montré que ces gains été accompagnés d’une augmentation du diamètre des fibres musculaires (hypertrophie) et de gains de force. En conséquence, le gain de poids associé à la prise de créatine sur le long terme semble bien être de la masse musculaire.
Quels sont les effets secondaires de la créatine ?
Le seul effet secondaire provenant de la prise de créatine sous
forme de supplément qu’on trouve dans la littérature scientifique et
médical est un gain de poids.
Il n’y a pas de preuves qui étayent les effets secondaires
anecdotiques rencontrés comme les gènes gastriques, les crampes
musculaires, la déshydratation ou l’augmentation du risque de
blessures. De plus, il n’y a pas de preuves que la prise de créatine
sur le court ou long terme augmente le stress rénal ou affecte
négativement les muscles, le foie ou les autres organes du corps
humain.
Les personnes prenant de la créatine peuvent néanmoins rencontrer ce type de problèmes. Cependant, l’apparition de ces troubles ne semble pas plus fréquent que chez les sujets prenant un placebo.
Est-ce que les enfants ou les adolescents peuvent prendre de la créatine ?
Aucune étude n’a montré que la supplémentation en créatine est néfaste pour les enfants ou les adolescents. Cependant, on dispose de moins de données sur les effets de la créatine chez les individus jeunes. En conséquence, je ne conseille pas aux enfants et aux jeunes athlètes de prendre de la créatine sauf en cas de prescription médicale ou après la puberté.
Est-ce que la prise de créatine est sure sur le long terme ?
Les athlètes utilisent les suppléments de créatine depuis le milieu
des années 60 et sa consommation a fortement augmenté au début des
années 90. Aucun effet secondaire directement attribuable à la
créatine n’a été rapporté dans la littérature scientifique. Malgré
cela, il subsiste des inquiétudes sur la prise de créatine sur le
long terme et un certain nombre de chercheurs s’intéressent aux
effets à long terme de la créatine. Jusqu’à présent, aucun effet
indésirable n’a été observé chez les athlètes prenant de la créatine
sur le long terme (5 ans) ainsi que chez les patients souffrant de
déficience ou de maladies neuromusculaires.
Il y a également plusieurs études montrant que la créatine peut
améliorer le profil des lipides sanguins et donc indirectement
réduire le risque de maladies du cœur.
Tous ces faits montrent que la prise de créatine est saine si elle est prise selon les recommandations.